Le château de Saint-Jean de Beauregard
Quand Saint-Jean de Beauregard s’appelait Saint-Jean de Montfaucon
L’histoire de Saint-Jean de Beauregard est connue à compter du XIIe siècle ; le lieu s’appelait alors Saint-Jean de Montfaucon, petite paroisse qui appartenait au fief de Montfaucon lui-même relevant de celui du Petit Palaiseau.
La structure féodale de la société médiévale impliquait que les familles puissantes, en charge de la défense armée du royaume, soutiennent l’Église garante du salut des âmes. Le don de terres aux ordres religieux était l’une des libéralités possibles. Ces dons étaient consignés par écrit par les hommes de lois et les hommes d’église pour attester de leur légalité. C’est dans le tome premier du cartulaire de l’Abbaye de Notre-Dame des Vaux-de-Cernay qu’a été consignée la donation faite en 1142 par Hugues Bibens, ratifiée par Louis VII, qui mentionne pour la première fois Montfaucon, proche de Gometz : «Hugo Bibens dedit partem nemoris sui quod habebat in monte Faucone, cum quadam terre cultura que est juxta viam Gomez» . La transmission d’une partie des terres aux moines des Vaux de Cernay de l’ordre de Cîteaux, installés dans le sud parisien depuis 1118, est confirmée en 1168 par le fils de Hugues Bibens.
En 1183, Philippe-Auguste confirme la cession en faveur du prieuré clunisien de Sainte-Marie de Longpont d’une autre partie des terres de Montfaucon appartenant cette fois à la famille de Pierrefonds. «Philippus Dei gratia Francorum rex. Noverint universi présentes pariter et futuri quoniam Beatrix de Petrafontis ecclesie Sancte Marie de Longo Ponte partem suam nemoris de Montefalconis et de Vioneto in elemosinam donavit et jure perpetuo possidendam concessit.»
En effet, le modeste village du Hurepoix, composé d’une petite vingtaine de maisons, se trouve sur un plateau avec terres agricoles, bois et côteaux qui offrent des ressources alimentaires et naturelles prisées. Pour stocker les récoltes de blé, d’orge, d’avoine et les vendanges, les moines construisaient des granges appelées «Granges aux Moines». Certains de ces bâtiments imposants existent encore aujourd’hui dont un non loin de Saint-Jean de Beauregard.
Au XIIIe siècle les seigneurs de Montfaucon font élever à proximité du village de Saint-Jean de Montfaucon une demeure seigneuriale à une date indéterminée. Toutefois, il est certain que le logis est terminé et habité en 1237, car une lettre de Guillaume III d’Auvergne, évêque de Paris, datée de cette même année, fait mention du différend qui oppose Eudes de Montfaucon ( ? – 15/11/1299) aux moines des Vaux de Cernay au sujet de chapelle du village ; on peut y lire une référence à la maison de Montfaucon. Il est vrai que le site se prête à l’édification d’un bâtiment d’habitation noble, car situé sur un promontoire à une altitude de 160 mètres, il offre une vue panoramique sur la vallée boisée de la Salmouille. C’est sans doute l’origine du toponyme «Montfaucon» – Monte faucone ou Montefalconis ou Mons falco dans les documents du Moyen-Âge – qui évoque à la fois la position élevée du lieu – Montlhéry qui lui fait face partage cette étymologie – et la position dominante des nids de faucons précieux auxiliaires pour la chasse et privilèges des nobles.
Il faut attendre le XVIe pour connaître plus en détail la composition du domaine seigneurial de Montfaucon à travers des actes d’aveu et de dénombrement. Ainsi, peut-on y lire l’énumération suivante : «hostel et manoir de Montfaucon avec les coulombier, pressoir, cour, jardin, vignes et clostures d’icelluy contenant quatre arpents». Demeuré dans la famille de Tourneboeuf pendant 8 décennies, le manoir est détenu quelques temps par Jehan Desroziers qui le vend avec les terres attenantes à Charles Pascal, conseiller du Roi Henri IV en son conseil d’État en 1599. Charles Pascal ne jouit de son acquisition que quelques années puisque dès 1606, il cède le domaine à Nicolas Le Lièvre, maître en la chambre des comptes à Paris. Si le nouveau seigneur de Montfaucon se plaît en son domaine, le nom de celui-ci lui déplaît fort car il n’est pas sans évoquer le funeste gibet de Montfaucon. Dans un acte daté du 7 décembre 1610, Nicolas Le Lièvre dit avoir obtenu du Roi que Saint-Jean de Montfaucon soit désormais connu sous le nom de Saint-Jean de Beauregard.
La construction du château de Saint-Jean de Beauregard au XVIIe siècle
A nouveau, le domaine de Saint-Jean de Beauregard change de main très rapidement. En effet, en 1612, François Dupoux, avocat au Conseil privé du roi Louis XIII devient le nouveau maître des lieux. François Dupoux est un proche de Concino Concini, maréchal de France et Marquis d’Ancre qui appartient au premier cercle de la régente Marie de Médicis. Faisant manifestement l’unanimité contre lui, Concini est vu par le jeune Louis XIII comme un obstacle à sa prise de pouvoir personnel ; il le fait assassiner le 24 avril 1617. François Dupoux qui s’était élevé au rang de lieutenant général de la prévôté de l’Hôtel et grand prévôt de France fait les frais de son accointance et tombe en disgrâce. Mais il a tout de même le temps de marquer l’histoire de Saint-Jean de Beauregard. En effet, rapidement après l’achat, François Dupoux fait raser l’ancienne bâtisse pour faire construire à sa place un château moderne au goût de l’époque. Les travaux de construction du château et d’embellissement des jardins durent plus de 20 ans. Peut-être François Dupoux avait-il surestimé ses capacités financières ou peut-être était-ce la conséquence de sa disgrâce, toujours est-il qu’un procès-verbal de saisie est rédigé en 1636. Outre les difficultés financières de M. Dupoux, il nous renseigne surtout sur le domaine qui est «constitué alors en une grande maison où il y a plusieurs bastiments et édifices couverts de thuiles ardoise et plomb, coulombier à pied dans la basse-court, pressoir, jardin, canal, vivier ou estang, réservoir, moulin, prés, pâturages, terres, cens, rentes…»
A sa mort qui survient en 1637, les travaux ne sont pas terminés. C’est son successeur, Jehan Garnier maître de la garde-robe de la reine d’Angleterre, qui met un terme, 25 ans environ après la pose de la première pierre, à la construction du château de Saint-Jean de Beauregard.
Le résultat de ce chantier qui s’est étendu sur un quart de siècle est un harmonieux mélange d’influences. Le château est composé comme suit :
- Deux pavillons « Marteaux » encadre le corps central et confèrent de la verticalité à l’ensemble. Leur esthétique Louis XIII est caractérisée par l’emploi de la brique et de la pierre – la brique a été recouverte d’enduit au XIXème siècle – et par les bossages et les pierres en saillie qui rappellent le pavillon des gardes à Fontainebleau ou le Sénat de Paris. Ils sont prolongés par deux ailes alternant également briques et pierres.
- Le corps central, en grès, avec sa forme régulière et ses fenêtres arrondies en anse de panier anticipe le style Louis XIV.
- L’unité de l’ensemble est due à la présence d’un toit à grande pente, de style Louis XIII.
- L’aile de gauche et les communs ont une toiture de type Mansart avec ses deux pentes, l’une en ardoise, l’autre en tuile.
Le château est complété d’une cour d’honneur, d’une avant cour, d’une cour des communs, d’une cour pavée des écuries, d’un jardin à la française, d’un pigeonnier et d’un potager. Un groupe de 40 personnes pouvait vivre en autarcie complète sur le domaine de Saint-Jean de Beauregard.
Saint-Jean de Beauregard aux XVIII et XIXe siècles
Après le décès de Jehan Garnier entre 1647 et 1649, Saint-Jean de Beauregard voit les propriétaires se succéder : Charles Doullet, le Marquis de Saint-Pierre, Pierre III de la Mouche. Le domaine reste dans la famille de la Mouche pour un siècle. En 1760, les terres sont achetées par Madame Charron, veuve d’un Fermier Général. On lui doit le chartrier du domaine (recueil des titres de propriété et des privilèges octroyés à un domaine) qu’elle fait dresser. Madame Charron apporte également une modernisation significative aux intérieurs du château. Sous Louis XV, la notion de confort fait son apparition : les demeures nobles délaissent les grandes pièces aux décors ostentatoires au profit d’espaces plus intimes et plus chaleureux. C’est aussi à cette époque que la salle à manger devient une pièce en soi : l’ère des tables d’appoint montées rapidement à l’aide de planches et de tréteaux prend fin, la table à manger devient un meuble permanent. Madame Charron se conforme à ce nouvel art de vivre. Elle fait également remplacer l’ancien escalier.
S’ensuit une période complexe qui conduit à l’abandon progressif du château. Quand la comtesse de Caraman, fille du Duc de Padoue, se porte acquéreuse de Saint-Jean de Beauregard en 1878, elle achète des bâtiments et des extérieurs à l’abandon. Ce rachat marque une nouvelle ère pour Saint-Jean de Beauregard. Des travaux de réhabilitation sont entrepris pour rendre au château son lustre ; le parc, les jardins et le Potager sont réaménagés pour partie dans le style à la française et pour partie en parc à l’anglaise. Le domaine connaît depuis une stabilité qu’il n’a jamais eue jusqu’ici, car depuis la fin du XIXe siècle, il s’est transmis de génération en génération jusqu’à ce jour, la comtesse de Caraman étant l’arrière-arrière-grand-mère de l’actuel propriétaire, le Vicomte de Curel.
Le château de Saint-Jean de Beauregard aujourd’hui
Le domaine de Saint-Jean de Beauregard est un domaine de famille dans lequel l’esprit du XVIIe siècle demeure vivant. Le château et ses dépendances, le pigeonnier, les écuries, le jardin, le Potager fleuri à la française, le parc, chaque élément témoigne de l’Histoire et de la vie d’hommes et de femmes qui ont tous contribué à l’histoire de Saint-Jean de Beauregard. En reconnaissance de son intérêt historique et architectural, le château est inscrit au titre des Monuments Historiques le 28 octobre 1926 ; le domaine a été classé le 5 juillet 1993.
Le domaine et le château sont ouverts à la visite depuis 1984. Le week-end, le public peut profiter des allées du parc et du Potager fleuri pour flâner, pour observer les couleurs printanières, estivales et automnales et les différentes floraisons de saison. Plusieurs événements annuels sont devenus incontournables dont les Fêtes des Plantes de Printemps et d’Automne et la Fête de la Création et des Métiers d’art.
Dans le château, l’art de vivre à la française s’exprime dans chaque pièce. Le salon d’été, traversant ; la salle à manger, innovation du XVIIIe siècle ; le salon vert et son décor peint ; la bibliothèque, riche en ouvrages de littérature française des XVIIe et XVIIIe siècles et d’histoire des XVIIIe et XIXe siècles ; le billard, sont l’image d’un intérieur familial et authentique.